Bulletin de fiscalité par Allen, Paquet & Arseneau LLP (décembre 2023)

Taxe sur les logements sous-utilisés − nouveau report de l’échéance

Dans notre numéro d’avril 2023 (à la rubrique « Immeubles résidentiels – Attention aux lourdes pénalités! »), nous avons traité des dangers associés à la nouvelle taxe sur les logements sous-utilisés (TLSU). Il a par la suite été question, en juin 2023, du report de la première échéance de production.

Si une maison, un logement en copropriété ou un chalet est la propriété d’une société, d’une fiducie, d’une société de personnes ou d’un non-résident, des obligations de production d’une déclaration de TLSU et une pénalité de 5 000 $ ou 10 000 $ pour non-production peuvent s’appliquer. Même si le contribuable loue la maison à un tiers de telle sorte qu’il n’y ait pas de taxe à payer, il n’échappe pas à ces obligations de production et ces pénalités.

Selon la loi, les premières déclarations de TLSU devaient être produites pour le 30 avril 2023. Toutefois, le 27 mars, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a annoncé (activer ce lien) que ni pénalités ni intérêts ne seraient imposés dans la mesure où la première déclaration aurait été produite, et toute taxe payée, au plus tard le 31 octobre 2023

Puis, ce jour du 31 octobre, l’ARC a annoncé un autre report. Les propriétaires qui doivent produire une déclaration ont jusqu’au 30 avril 2024 pour le faire sans pénalité, à la condition qu’ils paient toute TLSU exigible (activer ce lien).

Il y a donc ici un dernier report. Si vous pensez que vous (ou un membre de votre famille ou une société, une société de personnes ou une fiducie avec laquelle vous êtes en relation) pouvez avoir une obligation de production de déclaration de TLSU, que vous n’avez pas encore remplie, informez-vous dès maintenant et agissez! Les pénalités pour non-conformité sont très sévères, même s’il n’y a pas de taxe à payer. L’ignorance de la loi n’est pas une excuse et ne vous mettra pas à l’abri des pénalités. Il est très facile pour l’ARC de trouver à qui appartient le bien à partir des registres immobiliers.

Note : Cette date repoussée sera vraisemblablement aussi la date de production de la déclaration TLSU de 2023. Il y a donc deux dates à prendre en considération − le 31 dé- cembre 2022 et le 31 décembre 2023 − pour ce qui est de la responsabilité ou de l’obligation de produire une déclaration de TLSU. Aussi, par conséquent, si l’échéance n’est pas respectée, il pourrait y avoir double pénalité.

Pour plus d’information sur la TLSU, con- sultez le site Web de l’ARC (activer ce lien).

Gains en capital ou revenus ?

Comme les gains en capital ne sont imposés que pour la moitié, la distinction entre gains en capital et revenus est très importante.

Un bien en immobilisation est un bien sur lequel tout gain est imposé à titre de gain en capital. Seulement la moitié d’un gain en capital − le « gain en capital imposable » − est incluse dans le revenu dans votre déclaration de revenus. Le gain en capital n’est donc imposé qu’à la moitié du taux d’un revenu ordinaire comme un revenu d’intérêts ou un revenu d’emploi.

Tous les gains ne sont pas forcément des gains en capital. Si vous exploitez une entreprise d’achat et de vente de biens − par exemple, un commerce de détail −, il va de soi que les gains que vous tirez des produits que vous vendez sont des profits d’entreprise, qui sont pleinement imposables, et non des gains en capital.

Certains types de gains se situent à la frontière. La Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) définit le terme « entreprise » − entité dont le revenu est pleinement imposable − comme incluant une « affaire de caractère commercial ». Cette formulation a été interprétée dans des centaines de jugements rendus par les tribunaux.

Si votre activité est une « entreprise » ou une « affaire de caractère commercial », votre gain sera « pleinement imposable » (au titre de la vente d’articles figurant dans un inventaire). Dans le cas contraire, votre gain ne sera imposé que pour la moitié à titre de gain en capital. En revanche, les pertes d’entreprise sont pleinement déductibles du revenu, alors que les pertes en capital ne sont déductibles que pour la moitié et, normalement des seuls gains en capital imposables.

Alors, comment déterminer la différence entre un bien en immobilisation et un bien figurant dans un inventaire?

La différence tient essentiellement à l’intention. Si vous achetez un bien avec l’intention de le revendre, il est présumé que vous œuvrez dans une entreprise et le gain sera pleinement imposé à titre de profit d’entreprise.

Biens immeubles

Les principaux enjeux concernent généralement les biens immeubles. Vous pouvez construire une habitation en vue de l’habiter (bien en immobilisation), mais vous pouvez aussi envisager de la vendre (bien figurant dans un inventaire). Votre société pourrait acheter un terrain avec l’intention d’y aménager un centre commercial offrant des espaces en location (bien en immobilisation), ou d’y installer un parc de maisons neuves qu’elle vendra (bien figurant dans un inventaire).

Dans son Bulletin d’interprétation IT-218R, « Bénéfices, gains en capital et pertes provenant de la vente de biens immeubles », l’ARC énonce ses arguments à savoir si l’achat et la vente d’un bien immeuble sera considéré comme produisant des profits d’entreprise ou des gains en capital. Au paragraphe 3 du Bulletin sont énumérés douze facteurs que l’ARC juge pertinents :

a) l’intention du contribuable en ce qui concerne le bien immeuble au moment de l'achat;

b) la vraisemblance de l'intention du contribuable;

c) l’emplacement géographique du bien immeuble acquis et son zonage;

d) la mesure dans laquelle l'intention du contribuable est réalisée;

e) la preuve que l'intention du contribuable a changé après l'achat du bien immeuble;

f) la nature de l'entreprise, de la profession, du métier ou de l'occupation du contribuable et des associés;

g) la mesure dans laquelle l'argent emprunté a servi à financer l'acquisition du bien immeuble et les modalités arrêtées pour le financement s'il y a lieu;

h) la période pendant laquelle le bien immeuble a été détenu par le contribuable;

i) le fait que la possession du bien immeuble soit partagée avec des personnes autres que le contribuable;

j) la nature de la profession des autres personnes mentionnées en i) ci-dessus, de même que leurs intentions avouées et leur ligne de conduite;

k) les facteurs qui ont motivé la vente du bien immeuble;

l) la preuve que le contribuable et/ou les associés se livrent sur une grande échelle au commerce de l'immeuble.

Pour déterminer quelle est l’intention à l’égard du bien, les tribunaux ont aussi mis au point la notion d’« intention secondaire ». Si vous avez l’intention d’utiliser le bien comme un bien en immobilisation, mais aussi l’intention secondaire de le vendre si l’intention principale ne se matérialise pas, le bien peut alors être considéré comme un bien figurant dans un inventaire et le gain peut être pleinement imposable. L’ARC traite de la question dans le Bulletin d’interprétation IT-459. Certes, à peu près n’importe qui vendra le bien si la bonne offre se présente, de telle sorte que l’intention secondaire doit être plus qu’un simple souhait de vendre si le prix est bon. Souvent, il n’y a pas de démarcation claire, mais la Cour d’appel fédérale a affirmé, dans le jugement Canada Safeway, en 2008, que pour qu’il y ait intention secondaire, l’acquisition du bien doit avoir été motivée par l’intention […] de le revendre avec bénéfice au cas où une occasion intéressante se présenterait ».

Résidence principale

La possibilité de traiter votre résidence principale (votre maison) comme un bien en immobilisation est toujours attrayante, même davantage que le traitement de base « à la moitié du taux d’impôt » accordé aux gains en capital. Le gain réalisé sur une résidence principale est le plus souvent totalement exonéré de l’impôt.

Cependant, si vous exploitez une entreprise de construction, ou si vous changez souvent de résidence, prudence! De nombreux modestes constructeurs de résidences ont tenté de construire une maison, d’y emménager, puis de la revendre pour déménager dans une autre maison, répétant la manœuvre à quelques reprises. Si vous procédez ainsi, l’ARC établira que votre gain en capital n’est pas exonéré d’impôt au bout du compte. Elle considérera que vous traitez plutôt chaque maison comme un « bien figurant dans un inventaire » − même si vous l’habitez − et votre gain sera totalement imposé comme un profit d’entreprise. Et, si vous n’avez pas conservé tous vos reçus relatifs aux coûts de construction, vous pourriez avoir grande difficulté à prouver que votre profit était inférieur aux estimations de l’ARC !

(Pour aggraver la situation, si cela se produit, vous serez également dans l’obligation de payer la TPS ou TVH sur la valeur totale de la nouvelle maison, incluant le terrain, à la date à laquelle vous avez emménagé. Ici encore, à moins que vous n’ayez conservé les reçus faisant état de la TPS/TVH payée sur les coûts de construction, on vous refusera probablement les crédits de taxe sur intrants compensatoires. Nombre de modestes constructeurs de résidences ont contesté des avis de cotisation de cette nature devant la Cour canadienne de l’impôt (CCI) et ont perdu, sur les enjeux tant de TPS que de résidence principale.)

À noter que les registres des transferts immobiliers sont permanents et facilement accessibles aux auditeurs de l’ARC pour peu que ceux-ci fassent des recherches. En outre, dans nombre de cas, il n’y a pas de délai de prescription − soit parce que la déclaration comportait une fausse information attribuable à « une négligence ou une inattention », soit parce qu’aucune déclaration de TPS n’a été produite.

On sait que l’ARC pourchasse des constructeurs 10, 15 ou 20 ans même après le fait et leur réclame impôt, TPS ou TVH, pénalités et importants montants d’intérêts qui se sont accumulés au fil des ans. Si vous êtes dans cette situation, songez à faire une déclaration volontaire avant que l’ARC ne se pointe.

De plus, si vous vendez un immeuble résidentiel après l’avoir détenu pendant moins de 365 jours, en vertu de nouvelles règles entrées en vigueur en janvier 2023, l’immeuble est réputé être un bien figurant dans un inventaire et non un bien en immobilisation, à moins que vous ne puissiez démontrer que la vente s’inscrivait dans une liste d’événements divers, comme un mariage, un divorce, la naissance d’un enfant ou un congédiement. (Cette règle ne modifie pas sensiblement la loi, puisque les auditeurs de l’ARC traiteront généralement une telle vente rapide comme la vente d’un bien figurant dans un inventaire.)

Actions

Lorsqu’il est question d’actions de sociétés ou d’autres valeurs mobilières, comme des obligations et des parts de fonds communs de placement, l’ARC reconnaît généralement que la plupart des gens détiennent de telles valeurs à titre de biens en immobilisation, même s’il s’agit de valeurs de second rang peu susceptibles de rapporter un dividende dans un avenir proche. Cependant, si vous négociez très activement sur le marché, achetant et vendant des actions de façon régulière et ne les détenant que pendant de courtes périodes, on pourrait considérer que vous êtes en affaires, de telle sorte que vos gains seraient imposés en totalité. (Si vous avez des pertes, ce sera à votre avantage.)

Vous pouvez éviter cette situation, à l’égard d’actions de sociétés canadiennes, en produi- sant un « choix visant la disposition de titres canadiens » (paragraphe 39(4) de la LIR) au moyen du Formulaire T123, en même temps que votre déclaration de revenus. Une fois que vous faites ce choix, toutes les valeurs canadiennes que vous détenez sont réputées être des biens en immobilisation, pour toujours. (En d’autres termes, si vous subissez des pertes à la suite de très actives négociations sur valeurs dans une année ultérieure, ces pertes seront des pertes en capital d’utilité restreinte, plutôt que des pertes d’entreprise que vous auriez pu porter en diminution d’autres revenus.)

Le choix visant la disposition de titres canadiens ne s’applique pas à toutes les actions canadiennes. Une exception est prévue pour les « titres prescrits », dont l’énumération figure à l’article 6200 du Règlement de l’impôt sur le revenu, et qui comprennent :

  • les actions d’une société privée dont la valeur est principalement attribuable à un bien immobilier ou un avoir minier
  • un titre de dette envers une personne ou une société avec laquelle le contribuable a (ou avait) un lien de dépendance
  • des actions ou un titre de dette acquis auprès d’une personne avec laquelle le contribuable a un lien de dépendance (dont des actions qu’il aurait héritées d’un mem- bre de sa famille décédé)
  • des actions de sociétés ayant des frais d’exploration et de mise en valeur
  • des actions ou des titres de dette remplaçant l’un des titres ci-dessus.

Ce choix n’est pas non plus offert aux « courtiers ou négociants en valeurs ».

Une profusion de règles à surveiller !

Acheter un camion pour votre entreprise en fin d’année ?

Si vous achetez une camionnette, une fourgonnette ou autre véhicule léger semblable pour votre entreprise, vous ne souhaitez pas qu’il soit classé comme une « automobile » ou un « véhicule de tourisme » aux fins de l’impôt sur le revenu. Le cas échéant, certains coûts fiscaux, comme les « frais pour droit d’usage », s’appliqueraient à l’égard de votre utilisation personnelle du véhicule, ainsi qu’un plafond de coût de 36 000 $ en 2023 (avant taxes de vente) aux fins de la déduction pour amortissement. (Dans le cas d’un véhicule électrique, ce plafond est de 61 000 $ pour la présente année.)

Pour éviter que votre véhicule soit considéré comme une « automobile », vous devez généralement être en mesure de démontrer qu’il remplit l’une des conditions suivantes :

i. il s’agit d’une fourgonnette, d’une camionnette ou d’un véhicule semblable, et conçu pour transporter au maximum le conducteur et deux passagers et que vous avez utilisé dans l’année d’imposition au cours de laquelle il a été acquis ou loué aux fins « principalement » (plus de 50 %) du transport de marchandises ou de matériel dans le cadre de l’exploitation de votre entreprise;

ou

ii. il s’agit d’une fourgonnette, d’une camionnette ou d’un véhicule semblable, et que vous avez utilisé dans l’année d’imposition au cours de laquelle il a été acquis ou loué en « presque totalité » aux fins du transport de marchandises, de matériel ou de passagers dans le cadre de l’exploitation de votre entreprise (l’ARC considère « en presque totalité » comme signifiant 90 % ou plus);

ou

iii. il s’agit d’une camionnette que vous avez utilisée dans l’année d’imposition au cours de laquelle elle a été acquise ou louée aux fins « principalement » (plus de 50 %) du transport de marchandises ou de matériel dans le cadre de l’exploitation de votre entreprise, dans un lieu éloigné qui est situé à au moins 30 km de la communauté urbaine la plus proche comptant une population d’au moins 40 000 personnes.

Toutes ces conditions renvoient à la mesure dans laquelle vous avez utilisé le véhicule dans l’année d’imposition au cours de laquelle il est acquis ou loué. Il en résulte un piège. Supposons que vous achetiez une camionnette le 30 décembre, de façon à pouvoir commencer à demander la déduction pour amortissement dans l’année. Comme c’est la période des vacances, vous ne commencez à utiliser la camionnette qu’en janvier. Celle-ci ne respectera donc pas le critère de l’« utilisation » et vous subirez les effets négatifs associés à ce que la LIR désigne comme une « automobile » −, et cela pour l’entière durée de possession de la camionnette.

Voilà exactement ce qui s’est produit dans Olson c. La Reine, 2007 CCI 508. La CCI reconnaît que le résultat est « dur », mais qu’elle n’avait pas le choix de se prononcer contre le contribuable : les règles relatives à l’« automobile » s’appliquaient à la camionnette en cause.

TPS/TVH – risques de traiter avec un fournisseur louche

Si votre entreprise achète des produits ou des services auprès d’autres entreprises, et que vous redoutez que certaines de celles-ci ne se conforment pas à leurs obligations fiscales, il y a alors un risque sérieux auquel vous devez parer, en particulier dans le domaine de la TPS/TVH.

Ce problème existe dans presque tous les domaines d’activité : travaux de construction, agences de dotation en personnel temporaire, ateliers de confection de vêtements, ventes de rebuts de métaux, services d’entretien d’immeubles, pour ne citer que ceux-là.

Fait surprenant, le risque se présente principalement lorsque le fournisseur vous facture la TPS/TVH. S’il ne vous facture pas la TPS/TVH que vous devriez payer, votre risque est bien plus faible, car le pire qui puisse arriver est que vous deviez payer en cours de route la TPS ou la TVH, pour laquelle vous serez normalement en mesure le moment venu de demander un crédit de taxe.

Contexte

En supposant que votre entreprise effectue des « fournitures taxables » aux fins de la TPS/TVH, vous avez normalement droit à des crédits de taxe sur les intrants (CTI) afin de récupérer la totalité de la TPS/TVH que vous payez sur vos achats.

Cependant, comme vous le savez probablement, les CTI ne peuvent être demandés que si le fournisseur vous remet une facture ou un reçu qui satisfait des exigences de documentation détaillées. Ces exigences comprennent normalement le nom et le numéro d’in- scription du fournisseur aux fins de la TPS/TVH, le prix payé, une description suffisante de la fourniture pour qu’elle puisse être identifiée, le montant de la TPS/TVH, la date, le nom de l’acheteur, les modalités de paiement et certains autres détails. (Voir le Mémorandum sur la TPS/TVH 8-4.)

Ces exigences documentaires sont strictes; si elles ne sont pas respectées, vous ne pouvez demander les CTI qui vous permettraient de recouvrer la taxe que vous avez payée à votre fournisseur.

Vous pouvez vérifier en ligne si le numéro d’inscription d’un fournisseur aux fins de la TPS/TVH est valide en consultant le « registre de la TPS/ TVH » (activer ce lien).

Le problème

L’ARC se heurte depuis nombre d’années au problème de ces sociétés qui facturent la TPS ou la TVH pour des produits ou des services, perçoivent l’argent puis disparaissent. Outre le fait que ces sociétés ne paient pas l’impôt sur le revenu à l’égard de leurs bénéfices, elles volent littéralement les taxes sur les ventes qu’elles perçoivent pour le compte du gouvernement et sont réputées détenir en fiducie pour ce dernier.

Le problème se manifeste également au Québec, où Revenu Québec (RQ) administre la TPS en même temps que la taxe de vente du Québec.

CTI refusés à des entreprises innocentes

Au cours des dernières années, l’ARC et RQ ont poursuivi impitoyablement les entreprises qui avaient traité avec des sociétés sans scrupules. Lorsqu’ils sont incapables d’identifier les fraudeurs, les auditeurs s’en prennent plutôt aux entreprises innocentes qui ont acheté des biens et des services auprès de ces fournisseurs, et leur refusent les CTI qu’elles ont demandés.

L’ARC et RQ ont, en fait, eu maintes fois gain de cause devant les tribunaux lorsque les entreprises victimes ont interjeté appel.

En dépit du fait qu’une entreprise n’a aucune obligation légale de « surveiller » ses fournisseurs pour s’assurer qu’ils remettent bien les montants de TPS/TVH qu’ils ont perçus, les tribunaux ont trouvé des moyens de rendre responsables des entreprises qui n’ont rien à se reprocher.

Une technique que le gouvernement et les tribunaux ont utilisée pour condamner les entreprises innocentes est de décréter que la facture ne provenait pas du « véritable » fournisseur. Même si la facture venait d’une société à désignation numérique dûment inscrite aux fins de la TPS (après vérification du registre de la TPS/TVH en ligne), et satisfaisait par ailleurs les exigences documentaires, les tribunaux, dans certains de ces cas, ont conclu que le fournisseur nommé sur la facture n’était pas le « véritable » fournisseur et que, par conséquent, les exigences documentaires n’étaient pas satisfaites.

Comment une entreprise peut-elle se protéger contre ces risques ?

Il est certes préférable de traiter avec des fournisseurs réputés et établis, de telle sorte que ce problème ne se présente pas. Vous pourriez toutefois ne pas savoir si un fournisseur particulier va disparaître sans s’être conformé à ses obligations documentaires et il est possible, pour des raisons pratiques, que vous ne soyez pas toujours en mesure de choisir vos fournisseurs.

Une façon d’éviter ce problème est de prendre des mesures pour confirmer que le nom d’entreprise qui apparaît sur la facture que vous payez est bien celui de l’entité juridique avec laquelle vous faites affaire, et qu’il est correctement inscrit au registre de la TPS/TVH de l’ARC (ou au registre de la TVQ de RQ).

(1) Pour vous assurer qu’un fournisseur est inscrit aux fins de la TPS/TVH : dans le cas d’un nouveau fournisseur, consultez ce lien avant de lui payer quelque TPS/TVH que ce soit, et inscrivez le nom et le numéro de TPS/TVH qu’il vous donne. Le registre en ligne vous indiquera si la personne est bien inscrite sous ce nom à la date considérée. (Vous devez obtenir le nom complet exact tel qu’il est inscrit, ce qui signifie qu’il se peut que vous deviez vérifier auprès du fournisseur pour savoir comment son nom est précisément libellé dans la base de données de l’ARC.)

(2) Pour vous assurer de l’identité du fournisseur :

  • si la facture que vous payez indique un nom personnel, obtenez une copie du permis de conduire de la personne ou de quelque autre pièce d’identité émise par le gouvernement, et assurez-vous qu’il s’agit du même nom que celui qui apparaît dans le registre de la TPS/TVH que vous avez consulté en (1) ci-dessus.
  • si la facture indique un nom d’entreprise, en particulier dans le cas d’une société à désignation numérique, la seule façon de vous assurer que l’entité identifiée sur la facture est bien celle avec laquelle vous faites affaire est de demander au fournisseur des documents indiquant qui sont les administrateurs de la société (cette  information  est  également fournie en ligne par le gouvernement provincial); assurez-vous que la personne avec laquelle vous traitez est bien un administrateur de la société, en obtenant une copie de son permis de conduire ou quelque autre photo l’identifiant. Idéalement, vous voudrez voir un contrat ou une facture montrant que vous faites affaire avec ladite société parce qu’un administrateur signe en son nom. Vous aurez ainsi une piste papier attestant que vous traitez réellement avec ladite société et, même si cette dernière disparaît sans remettre la TPS, l’ARC ou RQ ne serait pas en mesure d’affirmer que cette personne n’était pas le véritable fournisseur mais utilisait plutôt un faux nom de facturation fourni par le véritable fournisseur;

Certes, toute entreprise devra déterminer s’il vaut la peine pour elle de mettre en œuvre toutes ces procédures, ou si le risque que les fournisseurs soient des fraudeurs fiscaux est à ce point faible que ces mesures ne valent pas le coût et les efforts requis. Pour ceux, toutefois, qui courent un risque sérieux d’une nouvelle cotisation leur refusant un CTI important, ces précautions peuvent se révéler d’un grand secours.

Qu’en disent les tribunaux?

À quoi vous engage le fait de donner votre adresse de courriel à l’ARC ?

De nombreux contribuables ne comprennent pas ce qui arrive lorsqu’ils donnent leur adresse de courriel à l’ARC.

Si vous incluez votre adresse de courriel dans votre déclaration de revenus, ou la donnez à l’ARC lorsque vous êtes en ligne avec elle, vous dites alors à l’ARC qu’elle peut vous envoyer des avis en les téléchargeant dans votre compte ARC en ligne, puis vous envoyer un courriel vous informant qu’un message vous attend dans votre dossier.

Ces règles sont maintenant insérées dans la LIR (paragraphe 244(14.1). Dès lors que vous avez autorisé l’ARC à vous transmettre des avis sous forme électronique, l’Agence peut le faire, et vous êtes alors réputé(e) avoir reçu l’avis même si vous n’êtes jamais allé(e) le lire en ligne, et même si vous n’avez jamais vu le courriel vous informant qu’un avis vous attendait. Certains contribuables ne comprennent pas que fournir leur adresse de courriel revient à « autoriser » l’ARC à leur transmettre des avis par ce moyen, du fait qu’un texte à l’écran, ou sur le formulaire, l’affirme.

Le récent arrêt DiPierdomenico c. Le Roi, 2023 CCI 146, est une bon exemple de ce qui peut arriver. M. DiPierdomenico, qui était facteur à Postes Canada, s’est inscrit dans le système « Mon dossier » de l’ARC comme de nombreux autres contribuables et, dans le cadre de la démarche, a accepté que des communications électroniques lui soient transmises − vraisemblablement sans comprendre ce que cela signifiait.

L’ARC a envoyé à M. DiPierdomenico des avis de cotisation pour ses années d’imposition 2015 et 2016 en décembre 2020 et janvier 2021. L’Agence a procédé en téléchargeant les avis dans son compte Mon dossier, puis en lui transmettant un courriel pour lui signifier qu’il devrait vérifier son compte Mon dossier. Apparemment, il n’aurait pas reçu les courriels, et n’aurait jamais vérifié Mon dossier. Entre-temps, le délai de 90 jours pour la production d’un avis d’opposition a expiré, puis la période de prolongation possible d’un an a également expiré. Au moment où M. DiPierdomenico a demandé un allégement à la CCI, il était trop tard.

La CCI a affirmé que M. DiPierdomenico ne pouvait en appeler de ses avis de cotisation, parce qu’il n’avait pas produit d’avis d’opposition à temps. Le fait qu’il n’ait pas effectivement reçu les avis de cotisation n'importait pas.

Donc, sachez le bien! Si l’ARC a votre adresse de courriel, vérifiez Mon dossier chaque mois. Et, si vous avez un compte d’entreprise, pour la TPS/TVH ou pour une société que vous détenez, par exemple, vérifiez Mon dossier d’entreprise chaque mois. Assurez-vous d’avoir un système de rappels à cet effet, de façon à ne pas oublier. Autrement, même si l’ARC fait une erreur et vous impose un montant qu’elle n’aurait pas dû vous imposer, vous perdrez tous vos droits d’appel.

Le présent bulletin résume les faits nouveaux survenus en fiscalité ainsi que les occasions de planification qui en découlent. Nous vous recommandons, toutefois, de consulter un expert avant de décider de moyens d'appliquer les suggestions formulées, pour concevoir avec lui des moyens adaptés à votre cas particulier.

Pour en savoir plus à propos d'Allen, Paquet & Arseneau LLP, veuillez visiter apallp.com.